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A Genève, l’entrée dans les lieux culturels et les centres sportifs sera moins chère pour les femmes pour corriger les inégalités salariales

La mesure a été votée par le conseil municipal, malgré les controverses. La mise en œuvre de cette réduction de 20 % reste incertaine.

Le Monde

Publié le 11 février 2022 à 17h15, modifié le 13 février 2022 à 16h29

Temps de Lecture 4 min.

Pancarte sur laquelle est inscrite « Féminisme = égalité » lors de la grève des femmes suisses pour l'égalité salariale, à Bern, en juin 2019.

La motion a été adoptée au terme de vifs débats au sein du conseil municipal de Genève. La municipalité suisse a voté, mercredi 9 février, en faveur d’une réduction exclusivement réservée aux femmes, baissant de 20 % les prix d’entrée dans les lieux culturels et dans les centres sportifs de la ville. L’objectif de cette mesure, proposée en avril 2019 par plusieurs élus de gauche : corriger l’injustice des inégalités salariales, les femmes suisses étant en moyenne payées près de 20 % de moins que les hommes.

« Si la loi sur l’égalité est entrée en vigueur en 1996, elle n’est toujours pas appliquée vingt-cinq ans plus tard », déplore Brigitte Studer, conseillère municipale d’Ensemble à gauche, citée par La Tribune de Genève. Cette législation interdit notamment les discriminations entre hommes et femmes dans le monde du travail, et s’applique « à l’embauche, à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail ».

Mais une étude publiée en 2021 montrait que les écarts salariaux entre hommes et femmes s’étaient encore creusés entre 2014 et 2018, dépassant les 19 %. Presque la moitié de cet écart ne s’explique ni par le degré de formation, ni par l’expérience, ni par la position hiérarchique. A travail équivalent, les femmes qui travaillent en Suisse gagnent ainsi 8,6 % de moins que les hommes.

« Attirer l’attention sur les inégalités »

La loi sur l’égalité a été modifiée et renforcée en 2020, mais, comme le rappelle la Tribune de Genève, seules les entreprises de plus de 100 salariés sont désormais tenues de vérifier et de corriger les inégalités salariales en leur sein. Elles doivent passer en revue les salaires de leur personnel, faire vérifier cet audit par un organe indépendant et rendre public ces données. Mme Struder dénonce de surcroît l’absence de contrôle et de sanction pour les entreprises qui ne respectent pas cette obligation.

En Suisse, la reconnaissance des droits des femmes est un long chemin. Elles n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1971. Lors des dernières années, des avancées ont été obtenues, comme la dépénalisation de l’avortement, en 2002, et un congé de maternité payé de quatorze semaines, en 2005. L’absence de congé de paternité avant 2021, et les places en crèche, limitées et coûteuses, ont été un handicap majeur pour l’activité professionnelle des femmes.

La motion votée mercredi à Genève avait été déposée en 2019, après que les femmes suisses s’étaient mises en grève et avaient manifesté par centaines de milliers pour réclamer l’égalité salariale. Pour le parti Ensemble à gauche, cette réduction de 20 % est, certes, « symbolique », et même « un brin provocante », selon la chaîne de télévision Léman bleue. Mais elle vise surtout à « attire[r] l’attention sur le fait que les inégalités passent inaperçues » et à montrer que, si cet écart de 20 % semble « normal » lorsqu’il s’agit de salaires, il paraît « scandaleux et provocateur quand on le transpose dans un autre domaine ».

Critiques de la droite

La droite a cependant fustigé une mesure « discriminatoire » et inefficace. « Ce texte discrimine les hommes. A force de vouloir essentialiser l’être humain et présenter les femmes comme des victimes, on divise la société », a déclaré Michèle Roullet, conseillère municipale du Parti libéral-radical (PLR), au journal Le Temps.

L’élue estime également que « ce sont les femmes des milieux favorisés qui vont dans les événements culturels », et qui bénéficieront donc désormais de réductions auxquelles n’auront pas droit des hommes qui auraient de plus petits salaires.

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« Il est vrai que les milieux culturels sont déjà, en général, majoritairement fréquentés par un public bourgeois et féminin, affirme au quotidien Blick Léonore Porchet, députée du canton voisin de Vaud, qui se dit favorable à la mesure adoptée par Genève. Mais ce n’est pas du tout le cas des installations sportives. Si l’on analyse les budgets des villes et des cantons, l’on se rend effectivement compte que l’argent va en priorité là où vont les hommes… ». De fait, selon les dépositaires de la motion genevoise, « 70 % des ressources allouées aux activités sportives subventionnées en ville sont utilisées par des hommes ».

La proposition a toutefois été votée sous forme de motion, ce qui la rend moins contraignante que prévu et n’implique pas son application immédiate. Malgré l’approbation du conseil municipal, la mise en œuvre de cette mesure, qui devrait prendre la forme d’une carte de réduction, reste incertaine, se heurtant à plusieurs obstacles. Des élus de droite ont soulevé un risque d’inconstitutionnalité. La conseillère administrative du centre, Marie Barbey-Chappuis, avait, par ailleurs, expliqué au Temps que la mesure « représenterait une charge [administrative] supplémentaire et des coûts importants ».

Les élus ont envisagé de la circonscrire dans le temps, en ne la rendant, par exemple, effective que sur la journée du 8 mars, pour la Journée internationale des droits des femmes, mais les amendements en ce sens ont été refusés. Le conseiller administratif a annoncé qu’il ferait prochainement des « propositions » pour concrétiser le vote de mercredi, qui a au moins contribué à relancer le débat en Suisse.

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